Le refus du reclassement

Publié par Conseiller du Salarié 51 - Reims

Le refus du reclassement par le salarié n’est pas fautif, le salarié inapte est donc en droit de refuser un reclassement. Mais le refus peut être abusif, avec des conséquences sur les indemnités. Le refus du reclassement par le salarié conduit souvent au licenciement. Depuis janvier 2017, le refus d’un seul reclassement par le salarié autorise le licenciement. La justice prud’homale veillera au respect des conditions exigées pour qu’une offre de reclassement soit suffisante. 

Un salarié inapte peut refuser une proposition de reclassement

Refuser un poste en reclassement est toujours possible pour le salarié

Le salarié est en droit de refuser un reclassement sur un poste ayant des niveaux de rémunération, de qualification et de  perspectives de carrière similaires à ceux de l’emploi initial, même si le contrat de travail du salarié comporte une clause de mobilité. En aucun cas son refus ne sera considéré comme fautif.

 Si en général un salarié ne peut refuser que la modification de son contrat de travail, la Cour de Cassation considère qu’est suffisante la seule modification des conditions de travail pour qu’un salarié déclaré inapte à son poste puisse refuser un poste en reclassement, sans que cela soit considéré comme une faute. Cette règle est valable que l’origine de l’inaptitude soit professionnelle ou non professionnelle.

Selon la jurisprudence le refus du reclassement n’est pas fautif

La Cour de cassation a indiqué qu’« une faute grave ne peut se déduire du seul refus par un salarié du poste de reclassement proposé par l’employeur », quand bien même le médecin du Travail a déclaré l’aptitude du salarié au poste proposé. Lorsque le salarié refuse un poste qui lui est proposé pour son reclassement, il appartient à l’employeur de « tirer les conséquences du refus du salarié, soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement [ … ] au motif de l’impossibilité du reclassement » (Cour de cassation, chambre sociale, 9 avril 2002, N° : 99-44192).

NB : depuis le 1er janvier 2017, le refus par le salarié d’une seule proposition conforme aux indications du médecin du travail suffit à justifier le licenciement (voir plus loin).

Dans le même sens la Cour de cassation a aussi indiqué que « Le refus de la salariée de reprendre son travail sur un poste incompatible avec les préconisations du médecin du travail ne constitue pas une faute » (Cour de cassation, chambre sociale, 23 sept. 2009, N° : 08-42629).

Le refus du reclassement par le salarié conduit souvent au licenciement

Si le salarié est en droit de refuser son reclassement parce que le refus du reclassement n’est pas fautif, son refus conduit le plus souvent au licenciement pour inaptitude.

Le refus de reclassement par le salarié est, véritablement, devenu un motif de licenciement

Depuis l’entrée en vigueur des nouvelles règles fixées par le législateur dans le cadre de la loi Travail, le 1er janvier 2017, l’employeur est autorisé à rompre le contrat de travail s’il justifie du refus par le salarié d’un emploi dans les conditions prévues aux articles L 1226-2  et L 1226-10 (articles L 1226-2-1, créé par la loi Travail du 8 août 2016 et L 1226-12 modifié par la même loi).

Pour être sûr, que la jurisprudence ne déforme pas sa volonté, la loi Travail a précisé que l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues aux articles L 1226-2 et L 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail (articles L 1226-2-1 et L 1226-12 du code du travail).

Jusque-là, la volonté du législateur n’ayant pas été très claire, la Cour de cassation considérait que l’employeur devait tirer les conséquences du refus d’un reclassement par le salarié déclaré inapte, en formulant de nouvelles propositions compatibles avec les conclusions du médecin du travail. C’était seulement si un reclassement n’était pas possible, que l’employeur pouvait procéder au « licenciement pour inaptitude, refus de reclassement et impossibilité de reclassement du salarié ». L’impossibilité de reclassement devait être prouvée en cas de contentieux.

Des conditions doivent être respectées pour que le refus du reclassement autorise le licenciement

Les conditions pour que le refus du reclassement par le salarié autorise le licenciement, sont que l’emploi proposé :

  • soit approprié à ses capacités,
  • prenne en compte, après avis des membres du comité social et économique, ou des délégués du personnel lorsqu’ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise
  • et soit aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail (articles L 1226-2 et  L 1226-10 du code du travail).
La jurisprudence à venir

Il faut cependant prévoir que la Cour de cassation et toute la justice prud’homale veilleront attentivement au respect des conditions (ci-dessus) posées par les articles L 1226-2 et L1226-10 du code du travail, lorsque l’employeur aura licencié un salarié inapte suite à un seul refus de reclassement.

Contentieux faisant suite à des licenciements pour inaptitude intervenus avant fin 2016

Tous les contentieux faisant suite à des licenciements intervenus avant la fin de 2016, seront basés sur la législation antérieure à la loi Travail et l’interprétation qu’en a donné la Cour de cassation au travers de sa jurisprudence : l’employeur devait tirer les conséquences du refus d’un reclassement par le salarié déclaré inapte, en formulant de nouvelles propositions compatibles avec les conclusions du médecin du travail et ne licencier qu‘en cas d’impossibilité de reclassement du salarié.

A moins que la cour de cassation ne fasse évoluer sa jurisprudence antérieure. Notons que dans deux arrêts du 23 novembre 2016 de la Cour de cassation a considéré que l’employeur  pouvait tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, pour justifier de l’impossibilité de reclassement (en l’espèce refus de postes en raison d’un éloignement du domicile). A croire que la Cour de cassation a été influencée par la volonté réformatrice du législateur, voulant mettre fin à la recherche excessive d’un reclassement impossible !

L’employeur reste libre de faire d’autres propositions

Par ailleurs, rien n’interdira à l’employeur de proposer d’autres emplois de reclassement au salarié inapte ayant refusé une première proposition, quand bien même celle-ci serait incontestable, plutôt que de le licencier immédiatement.

Un refus du reclassement par le salarié peut aussi être jugé abusif

Si le refus d’un reclassement n’est pas fautif, la cour de cassation a considéré que le refus sans motif légitime par un salarié, d’un « poste approprié à ses capacités et comparable à l’emploi précédemment occupé [ … ] peut revêtir un caractère abusif et entraîner la privation du bénéfice des indemnités spécifiques de rupture de l’article [ L 1226-14 ] du code du travail » (Cour de cassation, chambre sociale, 20 février 2008, N° : 06-44867 et 06-44894).

Définition (à contrario) du refus abusif

Ne peuvent pas être considérés comme abusif :

  • le refus d’un poste pouvant amener le salarié à travailler dans des conditions interdites par le médecin du travail ;
  • le refus d’un reclassement nécessitant une modification du contrat de travail (entraînant notamment l’un ou plusieurs de ces éléments : baisse de la rémunération ; diminution du coefficient hiérarchique ; passage à temps partiel ; réduction d’horaires ; changement du lieu de travail sauf si prévu au contrat ; changement de fonctions… ) même si la modification est imposée par l’avis médical ;
  • le refus de fonctions complètement différentes de l’emploi occupé avant l’inaptitude.

 

Conséquence d’un refus abusif du reclassement par le salarié

Le caractère abusif d’un refus fait perdre le bénéfice des indemnités spécifiques prévues par l’article L 1226-14 du code du travail, mais le salarié conserve le bénéfice de l’indemnité légale de licenciement, ou le cas échéant de l’indemnité conventionnelle (Cour de Cassation, chambre sociale, 23 janv. 2001, N° : 98-40651 et 99-41923).

Le caractère abusif d’un refus de reclassement a donc des conséquences indemnitaires pour les salariés dont l’inaptitude a une origine professionnelle. Mais, il n’en a pas pour ceux dont l’inaptitude est d’origine non-professionnelle.

Le comportement du salarié peut aussi, dans certains cas, être fautif

Si le caractère abusif d’un refus de reclassement par un salarié ayant été déclaré inapte à son poste de travail, ne justifie pas un licenciement pour faute grave (Cour de cassation, chambre Sociale, 25 mai 2011, N° : 09-71543), un comportement fautif du salarié peut être sanctionné par un licenciement pour faute grave.

La Cour de cassation a ainsi considéré qu’un salarié devant être reclassé pour inaptitude « dont le contrat de travail n’était pas suspendu, qui n’était pas en congé, qui percevait son salaire, qui était soumis au pouvoir de direction de l’employeur », qui refuse de se rendre aux convocations devant le médecin du travail dans le cadre de la recherche de son reclassement commet une faute grave (Cour de cassation, chambre sociale, 22 juin 2011, N°: 10-30415).

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